« L’Etat d’Israël contre Adolf Eichmann »

Fiche technique du procès

Le procès de Jérusalem s’est étalé sur huit mois, du 11 avril 1961 au 15 décembre 1961, l’essentiel se concentrant sur les quatre premiers mois. Il est le premier de la « Solution finale » en tant que telle. Il juge un criminel de guerre nazi répondant seul de ses actes, dans un procès unique, devant un tribunal civil et non militaire. Il s’ouvre tardivement après les faits alors que beaucoup souhaitent tourner la page du passé nazi. Il est le premier procès presque intégralement filmé et le deuxième grand procès où des caméras sont autorisées dans un prétoire après Nuremberg. Il a obligé la justice israélienne à innover dans ses pratiques, dans ses lieux, dans ses procédures. On s’y exprime en plus d’une demi-douzaine de langues, reflet du caractère continental de la Shoah. Tout comme la lumière des projecteurs installés pour le tournage modifie la scène judiciaire habituelle, la place de la traduction et des traducteurs en modifie la temporalité et la circulation de la parole. Le jeu sur les langues constitue même une arme décisive : tous les magistrats présents sont nés en Europe et presque tous sont d’origine allemande. Ils s’expriment indifféremment en plusieurs langues, tandis que l’accusé se voit, lui, obligé de porter presque en permanence un casque sur la tête pour suivre les débats : avec l’étroite cage de verre dans laquelle il est enfermé, l’homme au masque inexpressif flanqué de ses écouteurs offre l’une des images les plus fortes de ce procès perçu comme un spectacle inédit.


Léo Hurwitz dans la salle de contrôle du tournage du procès, Jérusalem, 1961.


© Werner Braun, Coll. Tom Hurwitz.

Quinze chefs d'accusation

- Quatre crimes envers le peuple juif : les meurtres commis dans camps d’extermination, lors des exécutions massives, par le travail forcé, la constitution de ghettos, les déportations, les stérilisations forcées ;

- Sept crimes contre l’humanité : ceux commis contre les populations civiles juives des pays occupés, la persécution des juifs pour raisons nationales, raciales, politiques et religieuses, leur spoliation à grande échelle ainsi que la déportation de civils Polonais, et Slovènes, de populations tsiganes, ou encore l’assassinat des enfants du village de Lidice [rasé en juin 1942, en représailles à l’assassinat de Heydrich par la résistance tchécoslovaque] ;

- Un crime de guerre qui reprend certains faits déjà mentionnés mais sous une autre qualification :

- La participation à trois « organisations hostiles » : la SS, le SD (Service de sécurité) et la Gestapo.

Cet acte d’accusation, dressé par le procureur en liaison constante avec le premier ministre Ben Gourion, couvre de fait l’ensemble du génocide, bien au-delà des faits imputables au seul Adolf Eichmann.


Eichmann plaide « non-coupable dans le sens de l’accusation ».

Coll. Israel State Archives/The Steven Spielberg Jewish Film Archives of the Hebrew University of Jerusalem and the World Zionist Organization.