Avant-propos

Le procès Eichmann a provoqué une onde de choc bien au-delà d’Israël, bien au-delà de son actualité immédiate. Il n’est pas le premier jugeant des crimes nazis mais le premier où s’affrontent avec une telle acuité la justice et la politique, la mémoire et l’histoire. Il est l’un des premiers événements « mondiaux », à l’ère naissante de la communication sans frontières, donnant une dimension globale sinon encore universelle à l’événement.


À plus long terme, le procès de Jérusalem est un jalon important dans la connaissance de l’extermination des Juifs. Donnant la parole aussi bien à l’un de ses principaux organisateurs qu’à de nombreux survivants, il offre le spectacle d’une confrontation contradictoire entre le criminel et la victime. Centré sur un homme seul, il permet de pénétrer la psychologie d’un criminel de masse dont la « banalité » apparente fait resurgir l’exceptionnalité du système qui l’a formé et transformé. Il suscite dès lors une vague d’études historiques, philosophiques, sociologiques qui contribuent à inscrire la réflexion sur le nazisme et son héritage au cœur de la culture occidentale contemporaine.


Plus encore que Nuremberg, le procès Eichmann accorde un rôle majeur à la fois au témoignage et à la scène judiciaire comme vecteurs de mémoire privilégiés d’un passé qui se révèle avec le temps insurmontable. Il est dans les mémoires lors des procès Barbie, Touvier et Papon en France. Bien qu’il ait été voulu et conçu dans un cadre national, il a sans doute favorisé à terme l’émergence d’une justice internationale, un débat qui resurgit en 1960-1961.


Le procès de Jérusalem constitue une première expérience d’une justice qui s’exerce dans un temps éloigné, le temps de l’Histoire. Il influence la réflexion sur la possibilité de juger d’autres crimes de masse lesquels seront déclarés imprescriptibles dans les années suivantes par des accords internationaux.


Le 11 avril 1961.
Session 1.

Ouverture du procès. Le président du tribunal s´adresse pour la première fois à l´accusé. Il lui lit le premier chef d´accusation : « Crime contre le peuple Juif ».

Coll. Israel State Archives/The Steven Spielberg Jewish Film Archives of the Hebrew University of Jerusalem and the World Zionist Organization.